samedi 27 octobre 2012

Chronique d'un redoublement : 49. Quand la fessée d'Aline ressemble à une répétition...

SUITE 48

Durant les jours qui suivirent cette fessée déclenchée par mon coup de pied donné en douce à Diane, et par l'intervention de la jeune vendeuse de la boulangerie, paradoxalement, c'est vrai que je me sentais plus libre au collège.
A la maison, ma mésaventure restait dans les mémoires. Quelques gifles étaient bien tombées pour de petits griefs reprochés à mes soeurs, mais la dernière référence en matière de "bonne fessée" demeurait celle que j'avais reçue...
Et, comme le fait d'avoir plus ou moins "maltraité" soeurette avait été un élément déclenchant, les petites en profitaient pour se plaindre dès que j'étais dans leurs parages, m'amenant à m'isoler dans ma chambre.
Même le chemin du collège au quotidien qui me faisait repasser devant la boulangerie, continuait à me faire ruminer de mauvais souvenirs.

Quelques notes plutôt correctes obtenues les jours suivants contribuaient à me faire me sentir à l'aise. Maman aurait toujours voulu mieux en raison de mon redoublement, mais du moins ces notes au dessus de la moyennene me valaient-elles pas d'engueulades maison.

Le souci, c'est qu'une Christine qui prend confiance est une Christine qui relâche son attention, qui se croit au dessus des consignes élémentaires de discipline. Ainsi, un peu plus de deux semaines après l'épisode de la boulangerie, contente d'un 13 sur 20 à une interro de maths, j'ai passé une bonne partie du cours à chuchoter avec ma voisine, à tenter d'amuser la galerie quand la prof était au tableau, puis à rêvasser, le regard vers la fenêtre au lieu de suivre une leçon, dont il est vrai, à mon corps défendant, que je l'avais déjà bien acquise l'année précédente. 

Mais ce genre d'attitude est du genre à énerver une prof, surtout si l'élève semble ne pas prendre au sérieux ses deux premières remarques sans frais.

"Christine, puisque vous aimez tant parler derrière mon dos, vous viendrez le faire pendant deux heures de colle !". La sentence tomba de la bouche de la prof de maths avec un ton très pince sans rire qui provoqua l'hilarité générale. La seule à faire la grimace était moi, et je tombai de haut, comprenant que cela allait m'attirer assurément de gros ennuis à la maison...


Je tentai, à la fin du cours, de demander à la prof de revenir sur sa décision, mais elle était déjà en train de remplir le bulletin de colle que le secrétariat du collège enverrait à la maison par la poste.
"Ecoutez, Christine, ce n'est pas la première fois que je vous demande de ne pas déranger le cours. Ca suffit, et je pense que ces deux heures de colle vous feront réfléchir...", conclut la prof suite à ma requête suppliante.
Non seulement, elle confirmait ces heures de colle, mais je la vis remplir la case motif du bulletin de colle ainsi : "Bavarde au lieu de suivre le cours, et chahute derrière le dos de son professeur". Voilà quelques mots qui n'allaient certainement pas manqué de faire réagir Maman, j'en avais bien conscience...

En tout cas, cette annonce mit un terme à ce sentiment de liberté que je ressentais en classe depuis quelques jours. C'était une tuile qui me tombait sur la tête, et mes angoisses franchissaient à nouveau le mur du collège, la peur de la fessée me rattrapait jusque-là !

J'étais sonnée, mentalement groggy, et j'eus du mal à cacher mon trouble durant les deux heures suivantes de cours.


Sur le chemin de la maison, une petite voix raisonnable me suggérait dans la tête de parler à Maman le soir-même. Il y avait ces heures de colle qui la fâcheraient, mais aussi ce 13 sur 20 dans la même matière qui pouvait, peut-être, inciter Maman à la clémence...

Mais, je connaissais la détermination maternelle et, à mesure que je me rapprochais de la maison, je me sentais moins confiante en cette tentative d'amadouer ma chère mère...

Le passage devant la boulangerie raviva mes souvenirs cuisants... Bien sûr pour l'instant, Maman n'était pas au courant, n'avait donc rien annoncé, et boulangère et vendeuse ne pouvaient se douter de rien, mais je savais que le chemin qui me restait à faire vers la maison était le même que quinze à vingt jours plus tôt et, que ce soit ce soir ou lors de l'arrivée du bulletin de colle par la Poste, j'avais bien conscience qu'il y avait de fortes probabilités pour que ce chemin soit celui qui allait m'amener sur les genoux maternels...

Ne rien dire, c'était faire passer mes chances d'échapper à la fessée de très peu à zéro, me rappelait pourtant la voix de la raison. Mais, ne rien dire, c'était aussi gagner du temps, passer une soirée calme, et ne pas se coucher la lune écarlate, répondait la voix d'une certaine prudence. D'autant qu'il peut arriver qu'une enveloppe se perde, que le téléphone soit en panne et que Maman ne rencontre personne... Certains gagnent bien au loto, non ?

J'arrivai à la maison deux minutes avant que Maman ne rentre avec mes soeurs qu'elle était allée chercher à l'école. Cela m'avait laissé le temps de poser mon cartable, de sortir mes devoirs, et la copie de maths, dont le 13 sur 20 était assorti d'un commentaire : "Notions bien assimilées, un résultat encourageant".

La petite voix de la raison reprit le dessus. Je me dis qu'il n'y avait plus à tergiverser, et je descendis les escaliers, la copie à la main, décidée à "vendre" le paquet "bonne note plus colle" avec demande de clémence et mille promesses de ne plus recommencer à la clé. Pour une fois, je prenais le risque, sachant bien que c'était maintenant ou jamais... Je me connaissais et savais que si je commençais à jouer la montre, j'aurais tendance à aller jusqu'au bout, jusqu'au moment où je serais devant le fait accompli...


J'y allais donc. Pour une fois. Pas rassurée, les jambes en compote, mais j'y allais quand, pénétrant dans la cuisine, je me retrouvai face à Maman qui sermonnait Aline...


Elle haussait le ton : "Elève dissipée, élève dissipée, ce n'est pas moi qui le dit Aline, c'est ton institutrice. Je veux bien pardonner quelques notes décevantes, si je vois que tu travailles consciencieusement, mais pas question de tolérer que tu ne sois pas attentive en classe. J'en ai assez, Aline ! Ca ne va pas se passer comme ça, tu sais".

Ma soeur baissait la tête, en pleurnichant. Maman avait, sans nul doute, croisé la maitresse d'Aline à la sortie de l'école et les nouvelles semblaient ne pas avoir été flatteuses pour ma soeur, déjà souvent à la peine au plan de l'apprentissage, et pour laquelle (comme pour toutes ses filles d'ailleurs) les manques en matière de discipline étaient jugés d'autant plus impardonnables par Maman.

Débarquant à ce moment devant elles, je commençai à douter que ce soit le moment opportun, mais j'étais à deux pas de Maman, avec ma copie à la main. "Que veux-tu, Christine ? Tu vois bien que je discute avec Aline. J'espère que tu n'as pas de mauvaises nouvelles à m'annoncer... Quand je te vois avec cet air-là, je me méfie...", me lança Maman, en s'avançant pour prendre ma copie que j'avais remise derrière mon dos, comprenant que mieux valait peut-être attendre un moment plus opportun...

Je répondis, par réflexe : "Non, non, rien de grave, Maman. Promis. Je, euh, je voulais te montrer mon interro de maths, et, euh..." Maman avait déjà la copie en main avant que je ne poursuive la phrase.

"Treize sur 20, oui, c'est bien. Mais il n'y a pas de quoi pavoiser. Pour une redoublante, dans une matière qui te réussissait plutôt l'an passé, tu devrais être parmi les meilleures, tu sais, ma grande. Bon, enfin, je préfère ça qu'un mauvaise note. J'ai assez à faire avec ta soeur aujourd'hui...", commenta Maman, d'une manière qui venait de ruiner mon espoir que ce 13 sur 20 serve à l'amadouer. Il n'en était rien  et cela n'était pas de bon augure pour mes fesses, mais pas du tout...

Je dûs me résoudre à faire demi-tour, et à remonter dans ma chambre, alors que Maman poursuivait sa "discussion" avec Aline qui, en fait, ne disait pour sa part pas grand chose, hormis quelques dénégations assorties de promesses d'être sage, histoire de ne pas énerver davantage Maman.

Je tendais l'oreille depuis le palier pour ne rien perdre de la conversation. Diane, elle, s'était mise à lire assise sur le canapé du salon, d'où elle devait aussi écouter ce qui se passait.

La cause était entendue : cela allait barder pour Aline. Maman lui demanda d'arrêter de chouiner : "Je vais te donner une bonne raison de pleurnicher. Allez, file dans ta chambre. Je range les courses et je vais venir t'apprendre ce qui arrive aux écolières dissipées..."


Aline ravala deux gros sanglots et gagna l'escalier. Je me reculai dans ma chambre, sans fermer la porte et je vis passer ma soeur, le visage défait, tête basse, dans une attitude qui devait bigrement ressembler à la mienne, le soir de l'épisode de la boulangerie. Juste avant que je sache que je serais collée, j'aurais vécu ce passage d'Aline avec un petit sentiment de revanche, une compassion amusée, et la satisfaction que ce soit son tour. Mais, dans ma situation de chahuteuse punie dont la mère n'est pas encore au courant, je ne pouvais m'empêcher de penser que la prochaine qui serait en mauvaise position, ce serait assurément moi...

Maman avait ramené un cabas de courses faites avant d'aller chercher les petites, et des bruits de placard et de réfrigérateur témoignaient du fait qu'elle devait les ranger.

Diane la curieuse rejoint Maman en prétextant une petite soif. Maman lui servit une orangeade, confirmant à sa benjamine que la cadette de ses filles allait "recevoir ce qu'elle méritait".

Maman remplit à nouveau le verre de Diane, avant de remettre la cruche dans le frigo, et de laisser ma soeur boire en disant : "Tu ferais bien de réviser ta récitation pendant que tu es tranquille. Je regarderai tes devoirs tout à l'heure. En attendant, je vais aller régler mes comptes avec Aline..."

Aline se morfondait assise sur son lit, ayant du mal à sécher ses larmes, et sursautant en entendant Maman monter...




Ce n'est pas vers moi que Maman montait, mais j'étais toute ouïe, tremblant presque à ce pas qui se rapprochait. Je me mettais à la place de ma soeur et j'en avais le coeur qui accélérait... le bas du dos qui frissonnait...

Maman n'avait pas laissé mijoter Aline comme elle le faisait avec moi, mais chacune de ces courtes minutes m'avaient rappelé la situation semblable, mêlant le souvenir de la dernière fessée reçue, à une peur déjà de la fessée prochaine...

Maman n'avait pas refermé la porte de la chambre des petites derrière elle, et j'étais, sans avoir une vue directe pour autant, aux premières loges auditives de ce qui se passait. Tout comme mes soeurs l'avaient été (et le seraient sûrement bientôt).

Les supplications vaines de ma soeur, l'ultime et court sermon maternel qui justifiait la fessée à venir par la gravité, de l'avis maternel, qu'il y a à ne pas écouter les cours, à perturber la classe, autant de griefs qui renvoyaient à ce qui allait être les motivations de mon prochain bulletin de colle, je ne manquais rien de la "discussion". Puis, il y eut les bruits de mise en position, de semi-résistance, de menaces qui font céder la punie, et, même si ce ne fut sûrement qu'une illusion, j'eus l'impression que j'entendais la culotte glisser et dévoiler deux fesses blanches...
Les images me venaient, presque comme si j'avais été témoin direct de la scène à côté de Maman.


Aline criait déjà avant que la première claque ne tombe, là où moi, sauf à être certaine que personne n'entendrait, je serrais les dents et tentais d'étouffer mes cris le plus longtemps possible.

Le "cinéma" d'Aline n'impressionnait pas Maman qui s'employa à donner à sa dissipée de cadette une "bonne fessée". J'imagine bien que la "dose" pour sa petite lune d'encore gamine, était moins longue, moins forte, moins savamment appliquée que ce la pré-adolescente à la peau plus aguerrie et à la mappemonde plus généreuse pouvait recevoir, mais vu, ou plutôt entendu, d'une oreille attentive qui pense très fort que son tour viendra, j'avoue que cette fessée marquait mon esprit, et que j'en aurais presque compté chaque claque en imaginant qu'elles me seraient bientôt destinées, et avec une tout autre énergie assurément...

Autant parfois, j'avais été témoin auditif, voire visuel, d'une fessée de mes soeurs, en le vivant comme un petit rééquilibrage, et une chose anecdotique et normale puisque c'était une gamine qui se faisait punir comme une gamine, autant là, la fessée d'Aline me semblait copieuse, presque impressionnante, du fait qu'elle prenait dans mon esprit l'image d'une anticipation. Chaque claque qui rebondissait sur la lune d'Aline s'imprimait en moi, comme si j'apprenais mon prochain rôle. Comme si j'assistais à la répétition de la pièce dont je serais la vedette. Aline devenait comme une doublure, on testait la qualité du son, on répétait une partie d'un dialogue qui serait plus long le jour J, on imaginait les positions des uns et des autres, à la manière d'un simple échauffement.

Quand Maman aurait le bulletin de colle en main, ce serait une autre histoire... Ce serait alors les vrais acteurs, avec les vrais costumes, le vrai public, et la version intégrale du prochain épisode de "Christine a mérité une bonne fessée" !



A entendre le bruit mat des la paume maternelle sur les fesses de ma soeur, je comprenais que dans cette pièce, l'autre actrice principale, à savoir Maman, elle savait déjà parfaitement son rôle, et qu'elle le jouerait comme toujours de façon magistrale, alors qu'à l'audition de cette simple répétition, le trac me prenait les tripes, en comprenant combien mon rôle à moi serait encore plus difficile à tenir, même si en la matière, j'avais nombre de "représentations" à mon actif...

J'aurais voulu prendre le rôle du metteur en scène de nos vies, entrer sur le plateau, féliciter Maman et Aline, et dire : "La scène suivante devait être jouée par Christine, mais comme Aline a bien tenu son rôle, ce sera encore elle qui jouera la prochaine fois".

Hélas, je ne suis pas metteur en scène, et ne peut changer le cours du destin. Les remarques agacées d'une institutrice venaient de valoir une déculottée de gamine à une écolière. Le bulletin de colle dénonçant l'indiscipline d'une collégienne, qui plus est récidiviste en la matière, demandait un traitement plus conséquent qu'une fessée de fillette. Le discours maternel, sa détermination, son raisonnement sans faille, et l'efficacité de sa dextre claquante, imposaient que je tienne prochainement mon rôle, pleinement !



Rien que d'y penser, j'en regrettais amèrement mon attitude en cours, et j'en frissonnais d'angoisse...

A SUIVRE

mercredi 17 octobre 2012

Chronique d'un redoublement : 48. De la difficulté de revenir sur les lieux du flagrant délit...

SUITE 47

J'avais finalement dormi plutôt bien, "calmée", il est vrai par une fessée maison appliquée dans tous les sens du terme par une mère voulant faire passer son message de la manière qu'elle savait la plus efficace à mon encontre...
Une ou deux fois dans la nuit, je m'étais réveillée avec des images cauchemardesques dans la tête, sur fond de fessée et autres peurs qui devaient hanter mes rêves, révélant mes angoisses.
Mais, la raison l'avait emporté à chaque fois et je m'étais rendormie, en prenant conscience que je pouvais oublier mes peurs, du moins cette nuit, puisque la fessée, je ne l'attendais plus, puisque je venais de la recevoir... Et je n'avais qu'à passer ma main sous les draps derrière mon dos pour en discerner encore la chaleur et la sensibilité d'un épiderme copieusement tanné de main d'experte...



Au matin, j'ai fait profil bas à nouveau. Si j'avais pu me faire invisible, ne pas croiser de regards, être oubliée quelque temps, cela n'aurait pas été pour me déplaire.... Loin de là !

Au lieu de cela, évidemment, les regards de mes soeurs se faisaient insistants, et elles avaient tendance à me coller aux basques, à rester à portée de vue ou d'oreilles, elles qui, souvent le matin, étaient plutôt du genre indépendantes, à ne pas vouloir la grande soeur dans les parages.

Maman, pour sa part, n'avait presque rien dit en nous faisant lever comme d'habitude. Elle m'avait sorti des affaires propres, dont un gilet que je rechignais souvent à mettre. J'avais esquissé un : "Maman, je préfère le vert", mais je n'avais pas insisté, lorsqu'elle avait rétorqué : "Tttt, ttttit, tu mets ce que je te demande de mettre, Christine. On ne discute pas. Je croyais te l'avoir expliqué à ma manière, hier soir..."

Inutile de dire que fifille, toute grande qu'elle voulait être, n'a pas rajouté le moindre mot, et s'est habillée comme Maman souhaitait...

Après un petit-déjeuner en famille, où les regards continuaient à converger vers moi, et où je cherchais à faire bonne figure, comme si de rien n'était, même si je ne pus m'empêcher de rougir quand Maman remarqua à haute voix que j'étais bien "calme", ce matin, je suis partie au collège comme si j'allais au cinéma. Comme si c'était le moyen d'échapper à ce climat familial pour trouver un contexte moins stressant. Ma fessée n'avait cette fois rien à voir avec les motifs scolaires, et je ne craignais pas qu'il y soit fait allusion...
Là, au moins, à l'abri des petites soeurs, je retrouvais ma condition de grande, et j'en oubliais la déculottée de la veille, me montrant assez enjouée, voire limite chahuteuse, m'attirant deux fois dans la journée des rappels à l'ordre qui me firent redescendre sur terre. Je pris conscience qu'il valait mieux être moins exubérante, car ce n'était pas le moment de récolter deux heures de colle, dont le résultat m'aurait vite faite passer de "venant d'être fessée" à "allant en recevoir une autre" à coup sûr.

Par chance et, le souvenir de la tannée de la veille faisant de l'effet, je réussis à passer cette journée sans encombre.

De retour à la maison, où cela semblait aller mal pour Aline en peine avec ses devoirs, Maman me demanda de ne pas quitter mon manteau et d'aller rechercher une baguette et un kilo de farine à la boulangerie.

Ce genre de tâche me plaisait souvent, me mettant en position de grande à qui l'on peut confier une mission. "Je n'ai pas de monnaie, Christine. Tu feras noter par Mme Breton", avait ajouté Maman, ce qui se faisait souvent. Mais, là, ce petit détail me fit faire la grimace.

Maman n'en vit rien, mais cela m'obligeait à aller à la boulangerie de la rue Pasteur, celle-là même où nous étions allées en famille la veille...

Si je n'avais pas eu cette consigne, j'aurais certainement poussé cent mètres plus loin à la boulangerie proche de la Poste, pour éviter de me retrouver face à la vendeuse à l'origine de ma déconvenue postérieure...





N'ayant pas le choix, je me rendis à la fameuse boulangerie, passant devant par deux fois en scrutant à l'intérieur, avant de me décider à pénétrer. Il semblait que ce soit la patronne qui était derrière le comptoir, et cela me rassura, même si je n'étais pas fière de retrouver ce lieu attaché à un bien mauvais souvenir...

"Bonjour Christine, tu es toute seule aujourd'hui ? Tu n'as personne à embêter alors ?", me lança la boulangère, ce qui me laissa sans voix. Je comprenais qu'elle avait eu connaissance de la scène, alors qu'elle n'était pas dans le magasin la veille, lors de notre passage.

J'entendis un petit rire à ma droite et découvris la vendeuse, qui était assise sur un tabouret et devais faire une petite pause. Je rougis en la voyant, et tentai de couper court à cette entame de conversation en demandant "une baguette pas trop cuite et un paquet de farine, s'il vous plait".




Mme Breton posa la baguette sur le comptoir en disant : "Ne fais pas cette tête étonnée. Martine m'a raconté ta mésaventure d'hier, quand tu embêtais ta soeur derrière le dos de ta Maman. J'espère que le retour à la maison n'a pas été trop difficile, ma pauvre Christine".

Je rétorquai un "Non, euh, noooon, il ne s'est rien passé", qui sonnait faux. Martine, la vendeuse, se remit à rire : "Tu es sûre ? Je demanderai à ta Maman, la prochaine fois. J'avais quand même bien l'impression qu'elle t'avait promis la fessée, non ?"

C'est Mme Breton qui vint à ma rescousse : "Allez, arrête donc de la taquiner, Martine. Si Christine a reçu la fessée, cela ne regarde qu'elle et sa Maman. Christine ne va pas le crier sur les toits. C'est déjà assez pénible d'être punie. De toute manière, je connais assez Mme Spaak pour savoir qu'elle tient ses promesses, et tu vois bien que Christine est gênée, ce qui veut tout dire..."

Je pris baguette et paquet de farine, après avoir demandé que ce soit noté sur notre compte, et je suis sortie de la boulangerie encore rougissante, sous le regard amusé de la patronne, et surtout de la vendeuse qui semblait ravie de m'avoir taquinée ainsi...

Trois jours plus tard, quand Maman me demanda de venir avec elle à la boulangerie, je prétextai un devoir à finir pour la laisser aller seule. Elle allait aussi payer sa note et j'imaginais que mon cas serait sûrement évoqué, et qu'elle ne manquerait pas, en "réglant ses comptes" de pain de dire qu'elle les avaient en effet bien réglé avec moi l'autre soir...

Je ne voulais pas être présente à ce moment-là, histoire de ne pas voir la patronne, ni surtout sa vendeuse, sourire sûrement en ayant confirmation que Maman m'avait bien donné la fessée le soir en question, voire ajouter que j'avais pris une "déculottée" maison...

Ce n'est d'ailleurs que quelques mois plus tard, lorsque l'apprentie vendeuse ayant eu son examen a changé d'employeur, que je n'ai plus eu d'appréhension en allant cherche le pain. La moqueuse n'était plus là et je pouvais respirer, d'autant qu'avec le temps, comme d'habitude, et même s'il y avait eu d'autres fessées reçues entre temps, j'avais en tête cette Martine que j'associais pleinement à ce qui m'était arrivée. J'en avais vite oublié mon manque de vigilance quand je surveillais ma soeur, j'en avais oublié le coup mis à soeurette dans le dos de Maman, j'en avais oublié mon réflexe de nier et mentir sur le champ, ainsi que les avertissements des jours précédents, bref j'avais occulté dans ma tête tous les motifs fort valables d'être punie, pour ne me souvenir que de la "dénonciation" de la vendeuse à Maman. 
Comme bien souvent, selon les méthodes de raisonnement made in Christine, je m'en voulais d'avoir été prise plus que d'avoir donné ce coup de pied, et je mettais Noémie la vendeuse comme unique responsable de ma déculottée...

A SUIVRE